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Objectif : O plastique

Fév 28, 2023 -

Face à la vague de chiffres alarmants causés par l’impact des déchets plastiques sur la planète, le gouvernement se montre toujours plus intransigeant avec les entreprises. Pour stopper la consommation massive de matériaux plastiques, la liste des produits bannis des commerces s’allonge et, d’ici 2040, le gouvernement français espère mettre définitivement fin à la commercialisation d’emballages plastiques à usage unique. Alors, comment les hôtels français s’adaptent-ils face au durcissement des mesures de protection de l’environnement ? Room service, chambres, bar, restaurant, suites, spa et évènementiel, les professionnels de l’hospitalité lèvent le voile sur les coulisses d’un secteur en restructuration face au boycott du plastique.

Le 10 février 2020, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire accélère le changement de modèle de production et de consommation de notre société. C’est officiel, la chasse au plastique dans les entreprises est lancée. Notre voyage commence dans le Sud, à Marseille. L’InterContinental Marseille – Hôtel Dieu a été retenu pour mettre en place un projet pilote voué à réduire l’utilisation des plastiques à usage unique. Les changements peinent à s’amorcer puisque, selon une étude CITEO, parue en 2020, seulement 28 % des emballages ménagers en plastiques à usage unique sont recyclés en France. Les 72 % d’emballages restants sont alors incinérés avant de se désagréger dans les sols. Une solution qui se transforme donc rapidement en un nouveau problème. La seule solution : l’action collective. C’est le constat de Bénédicte Trabuc-Letondal, Responsable Marketing et Communication à l’InterContinental Marseille*****qui affirme que sans la participation active de tout le système allant du fournisseur à l’employé jusqu’au client, la transition écologique des hôtels est ralentie : « les fournisseurs et autres professionnels qui interviennent dans le bon fonctionnement de notre hôtel n’ont pas tous le même rythme dans cette mutation des modes de consommation. De plus, nous n’avons toujours pas trouvé de solution peu onéreuse pour les clients souhaitant prendre une bouteille d’eau pour leurs balades, or c’est dans nos standards de pouvoir leur en proposer. A terme, nous voudrions mettre des fontaines d’eau filtrée dans notre lobby, mais encore peu de nos clients voyagent avec leur propre gourde ».

En 2017, un Français consommait en moyenne 96 bouteilles plastiques par an, aujourd’hui 54% des Français possèdent une gourde, selon une enquête Opinion Way. Des chiffres rassurants mais pas suffisants pour Bénédicte Trabuc-Letondal : « Il faut que le Gouvernement prenne des décisions radicales si l’on veut un vrai résultat. A ce jour, chaque entreprise avance selon ses capacités, ses possibilités et ses motivations. Je pense que si les bonnes décisions sont prises rapidement, alors tout le monde ira dans le bon sens ». Pour elle, le but n’est pas d’obliger ses équipes à adopter de nouveaux gestes quotidiens mais plutôt de les convaincre de les faire pour une bonne raison.

Du côté des millenials, une fois diplômés, les expériences en entreprise sont parfois teintées de désillusion. Auriane Beye, ancienne étudiante à l’Ecole Ferrières Hospitality & Luxury Management School, diplômée en 2020, se confie : « En Bachelor 2, j’ai eu la chance de suivre un cours Quality Sustainable Management pour nous apprendre à réagir face aux enjeux environnementaux actuels en entreprise. Mais le fossé est énorme entre ce que l’on nous inculque à l’école et ce qui se passe sur le terrain. Certains hôtels, dotés d’un management que je qualifierais d’« ancien », ne se montrent pas prêts à prendre de nouvelles directives en termes de transition écologique ». Rachel Trotti, son compère, ajoute : « Dans chaque entreprise, on devrait recruter une personne, ou une équipe, dédiée à la surveillance du respect des nouvelles mesures en faveur de l’environnement ».

Raphaëlle Tchilinguirian, Directrice des opérations Paxton Paris MLV****, se montre sceptique quant à un horizon 2040 sans plastique : « Dans l’état actuel des choses, le 100% zéro plastique me paraît être un projet utopique. Le poids financier que représente l’investissement dans le 0 plastique et la qualité des substituts au plastique sont, aujourd’hui, les freins majeurs pour les hôtels lancés dans leur transition écologique. De plus, lorsque la qualité est privilégiée (verre, métal) le taux de perte et vol augmente considérablement ce qui a de nouveau un fort impact financier. Un accompagnement des fournisseurs et une maîtrise des coûts de production seront indispensables pour atteindre cet objectif ». Depuis le début d’année, l’hôtel 4 étoiles a mis en place un label Eco responsable en lien avec leur charte RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises): « En chambre, nous limitons l’usage des flacons plastiques en utilisant des flacons plastiques mais réutilisables. Lors de séminaires, les bouteilles individuelles plastiques sont également remplacées par des bouteilles en verre », témoigne Raphaëlle Tchilinguirian.

Lundi 30 janvier, une concertation a déjà commencé au ministère de la transition écologique. Le verre consigné fait débat. La secrétaire d’État à l’Écologie, Bérangère Couillard, a réuni les quelques 80 acteurs du secteur (industriels de l’agroalimentaire, de l’embouteillage, supermarchés, associations d’élus, mais aussi associations de consommateurs et ONG) afin d’étudier des scénarios qui pourraient être mis en place. En résumé, la consigne consisterait à acheter un peu plus cher sa bouteille d’eau puis, la disposer dans un automate qui, en contrepartie, rendrait quelques centimes au consommateur. La décision tombera en juin. Et, pour notre voisin allemand, cette solution fait déjà ses preuves. Avec un taux de retour de bouteilles plastiques s’élevant à 90 % selon le Centre Européen de la consommation, cette nouvelle alternative inspire largement les Français. En somme, bien que le rythme de transition écologique ne soit pas le même entre les entreprises, toutes les générations, elles, semblent sur la même longueur d’onde. Un seul acteur doit agir : le monde entier.

Laura Mendez